Installations d'art contemporain , Anne POIVILLIERS,
8 Juillet 2024
ABBAYE DE CLUNY, Centre des Monuments Nationaux
Au cœur des vestiges de la grande église abbatiale de Cluny, la chapelle Saint-Martial, non restaurée,
est l’écrin brut de l’installation d’Anne Poivilliers.
La chapelle Saint-Martial illustre le temps de la destruction et, à la fois, le temps figé des vestiges qui sont parvenus jusqu’à nous.
La légèreté de l’œuvre et l’intensité du mouvement entraîne le regard dans l’univers minéral de l’église abbatiale, posant ainsi l’interrogation proposée par l’artiste sur le processus d’oubli...
L’installation témoigne de la mémoire ultime, dans un moment d’équilibre: le moment ou toutes les cicatrices accumulées réapparaissent, se télescopent et s’unifient.
Elle interroge sur le processus impossible de l’oubli, sur l’irréversibilité des traces.
Installation en papier calque
L’installation est constituée de filaments de calque pliés en courbes, la courbure engendre un volume.
Ces filaments sont assemblés pour créer un volume qui semble être en suspension dans l’espace.
L’installation est constituée de filaments de calque pliés en courbes, la courbure engendre un volume.
Ces filaments sont assemblés pour créer un volume qui semble être en suspension dans l’espace.
Dimensions : Diamètre 4,5m ; Profondeur 2,5m
Discours Inauguration
Cette sphère, cette spirale, peut-être ce vortex, est une accumulation de cicatrices. Chaque calque est une cicatrice.Dans cet espace de recueillement, toutes ces cicatrices se sont accumulées, compressées, amassées. C’est un moment d’équilibre, d’attente.
Après, soit cet équilibre va demeurer tel quel, soit il va se défaire, ouvrir à un chaos total. On ne sait pas.
Toutes les cicatrices de notre temps, guerres, conflits, toutes ces meurtrissures se concentrent là, dans une spirale, ou plutôt, car il n’y a pas de mouvement et d’avancée dans la spirale, là c’est désordonné, tout mélangé, comme les corps à Pompéi. Cette figure sphérique, c’est en même temps une figure celeste, comme une planète, un astre, c’est une peu rond pour être stable, mais ici c’est une sphère pas achevée, pas finie.
Techniquement, ce qui a été le plus prenant pour moi, cela a été de trouver l’équilibre de cet état instable. Tout est tellement lié que chaque tension créée pouvait risquer de déstabiliser tout. J’ai dû travailler avec le souffle, pour trouver comment cette figure pouvait se poser, se reposer, sans trop de déséquilibre.
J’ai installé ce chaos dans ce lieu qui est quand même un lieu d’apaisement, où la transformation va se faire, ou ne pas se faire. For Fari fatum, dans ce titre énigmatique, on y reconnait bien sûr le destin Fatum et for, fari, ce sont deux temps différents du même verbe qui signifie chanter ou dire l’oracle. C’est un peu prophétiser. L’oracle se dit, s’exprime, crie, chante le destin. C’est chanter l’oracle, comme les moines chantaient leurs psaumes. Comme une prière païenne, une prière perdue, qui correspond aussi à notre période de violence, de perplexité, de choix extrêmes… Ca répond à tout ce qui n’a pu être assimilé, ce qui n’a pu être cicatrisé. Il y a des moments charnières comme ça dans l’histoire d’une civilisation où tout peut basculer. En espérant que cela ne va pas basculer, mais rester en place, tenir en place malgré tout.
C’est pourquoi c’est enfin un chant plastique, physique. J’ai voulu donner une dimension artistique à la célébration de l’oracle. Comme les vibrations d’un chant. C’est un travail sur les vibrations que j’ai voulu faire, c’est la matérialisation d’une vibration acoustique. C’est un psaume chanté. Le chant seul compte, il n’y a pas réellement de propos, de sens à y trouver.